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régis debray - Page 2

  • Le libéralisme comme règne du non-commun...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur le site Critique de la raison européenne, dans lequel il évoque la question du libéralisme. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : «Le libéralisme consacre le règne du non-commun»

    Le terme « libéral » apparaît totalement galvaudé dans le débat public actuel. Pourriez-vous définir ce qu’est le projet libéral ?

    Alain de Benoist : Comme pour tous les mots qui ont beaucoup servi (démocratie, progrès, etc.), il est difficile de donner une définition du libéralisme qui fasse l’unanimité. La difficulté se renforce du fait que, contrairement au marxisme, le libéralisme a eu de nombreux « pères fondateurs », et du fait aussi que ce qui relie le libéralisme économique au libéralisme politique, au libéralisme philosophique et au libéralisme « sociétal », n’est pas évident pour tout le monde. Le projet libéral, pour reprendre votre expression, est à mon sens un projet qui privilégie l’individu par rapport à tout ce qui l’excède en s’appuyant sur une anthropologie faisant de l’homme un être essentiellement mû par le désir de maximiser son intérêt personnel et son profit privé.

    En quoi le libéralisme empêche-t-il de constituer une société qui ne serait pas qu’une somme d’intérêts particuliers ?

    Il l’empêche pour la simple raison que toute société n’est à ses yeux qu’une somme d’intérêts particuliers. Du point de vue de l’idéologie libérale, ce n’est plus la société, mais l’individu qui vient en premier. Les sociétés, les peuples, les nations, les cultures, etc. n’ont pas d’existence en tant que tels : ils ne sont que des agrégats d’individus. Ces individus sont appréhendés comme fondamentalement autosuffisants, propriétaires d’eux-mêmes, capables à ce titre de se construire eux-mêmes à partir de rien – hors de tout déjà-là – sans que leurs choix puissent devoir quoi que ce soit à des appartenances qui leur préexistent. C’est en ce sens que Margaret Thatcher pouvait prétendre que « la société n’existe pas » (there is no society). Cette conception des choses, qui contredit à angle droit l’idée, remontant pour le moins à Aristote, selon laquelle l’homme est un animal politique social, est évidemment antagoniste de toute idée de bien commun. Du point de vue libéral, l’intérêt général se définit comme une somme d’intérêts particuliers dont on postule arbitrairement qu’ils peuvent s’harmoniser spontanément ou sous le seul effet des rapports juridiques et des mécanismes du marché. Le libéralisme consacre le règne du non-commun.

    Selon le discours dominant aujourd’hui, la liberté libérale est la seule forme possible de la liberté. Or il existe dans l’histoire des idées d’autres façons de concevoir la liberté. Pourriez-vous en citer des exemples?

    L’idéologie libérale ne veut pas connaître d’autre liberté que la liberté individuelle. Tout ce qui excède la liberté individuelle est posé comme une menace potentielle contre les droits des individus, le premier de ces droits étant en quelque sorte le droit d’avoir des droits. Cela transparaît clairement dans la façon dont le libéralisme s’oppose au politique, dont il veut toujours limiter l’autorité, en particulier vis-à-vis de l’économie. Historiquement parlant, le règne de l’idéologie libérale est indissociable de la montée de la classe et des valeurs bourgeoises, qui prétendaient lever tous les obstacles susceptibles de freiner les échanges commerciaux et la production de marchandises. Cette conception de la liberté est propre au libéralisme. Il en est heureusement (bien) d’autres. J’en donnerai deux exemples. Le premier est l’opposition bien connue, développée en son temps par le très libéral Benjamin Constant, entre la « liberté des Anciens » et la « liberté des Modernes ». La première se définissait comme ce qui permettait à tous les citoyens de participer aux affaires publiques, tandis que la seconde est au contraire ce qui permet aux individus de ne pas y participer et de se soustraire aux obligations civiques pour rechercher leur épanouissement dans le domaine du privé. Le second exemple est celui de la « liberté républicaine » telle qu’elle a été conçue par un courant de pensée allant de Tite-Live à Harrington en passant par Machiavel. Sa caractéristique principale est de lier liberté individuelle et liberté collective : je ne peux me considérer comme libre si le pays auquel j’appartiens ne l’est pas. La liberté est donc appelée à s’articuler avec le commun, ce que le libéralisme ignore entièrement.

    Dans La Grande Transformation, Karl Polanyi explique que l’émergence de l’État-nation a permis le triomphe de la logique du marché et la destruction des structures et des solidarités organiques. Pourtant, l’État-nation semble aujourd’hui être la seule échelle à laquelle quelque chose du politique subsiste et l’un des derniers cadres de résistance au capitalisme financier. Nous pensons à « Critique de la raison européenne » qu’il doit donc être défendu. Comment vous situez-vous sur ce débat ?

    Vous n’avez pas tort de penser que, dans les circonstances présentes, l’Etat-nation doit être défendu, mais j’ajouterai qu’il doit l’être comme un pis-aller. Il ne faut en effet pas se faire d’illusions. La souveraineté des Etats nationaux ne tient plus aujourd’hui que par la peinture ! Des pans entiers de souveraineté leur ont été enlevés dans le cadre de la construction européenne, sans que ces parts de souveraineté se trouvent reportés à un plus haut niveau (l’Europe ne s’est pas construite comme une puissance, mais comme un marché). D’autre part, l’évolution récente des Etats-nations atteste que ceux qui les dirigent – ou plutôt qui les administrent ou qui les gèrent – sont eux-mêmes largement gagnés à l’idéologie libérale. C’est ce qui explique que les libéraux, après avoir férocement combattus l’influence de l’Etat, en viennent aujourd’hui bien souvent à en attendre qu’il contribue lui-même à créer les circonstances les plus favorables au libre développement des marchés, à la mise en œuvre de l’idéologie des droits, etc. L’autorité publique se ramène alors à la « bonne gouvernance », qui calque le gouvernement des hommes sur l’administration des choses, en prétendant que les problèmes politiques ne sont en dernière instance que des problèmes « techniques », pour lesquels il n’y a qu’une seule solution rationnelle optimale (« there is no alternative »).

    Existe-t-il un lien entre le libéralisme et « l’idéologie du même » que vous pourfendez ? Le libéralisme contribue-t-il à la disparition de l’altérité et à l’avènement de ce que le philosophe tchèque Jan Patočka nomme « l’âme fermée » ?

    Je pense que le libéralisme contribue en effet à la disparition de l’altérité, d’abord parce qu’il ne reconnaît que les différences individuelles, et non les différences collectives, ensuite parce ses fondements individualistes vont inévitablement de pair avec un universalisme de fait, au regard duquel les hommes sont fondamentalement les mêmes. Le seul fait de dessaisir l’homme de ses appartenances au profit d’un homme abstrait, de partout et de nulle part, montre qu’aux yeux des théoriciens libéraux les différences collectives, entre les peuples, les nations ou les cultures, ne peuvent qu’être secondaires, superficielles ou transitoires. Nous apparaissons certes différents, mais au fond nous sommes les mêmes ! C’est pour cela que le libéralisme estime qu’une bonne Constitution est bonne pour tous les peuples, comme le disait Condorcet, que le monde entier peut être transformé en un vaste marché planétaire régi par les seules lois du marché, que les droits de l’homme sont valables en tous temps et en tous lieux, etc.

    Les démocraties libérales traversent aujourd’hui une crise profonde. L’émergence et l’arrivée au pouvoir de mouvements dits populistes, mais également la mobilisation des gilets jaunes ou l’apparition de voix dissonantes dans les médias, le milieu associatif et l’université, le montrent bien. Êtes-vous d’accord pour dire que le libéralisme est une idéologie en déclin ?

    Je ne dirais pas encore que le libéralisme est en déclin, mais qu’il est en crise, et que cette crise a de bonnes chances d’annoncer son déclin. La crise en question touche à la fois les institutions politiques et le système économique capitaliste. La démocratie libérale, fondée sur l’« Etat de droit », que beaucoup considéraient comme indépassable, est en train de s’effondrer du fait de la défiance généralisée des sociétaires. Elle était à la fois représentative et parlementaire. Or, les gens constatent que les représentants ne représentent plus grand-chose et que la souveraineté parlementaire s’est substituée à la souveraineté populaire. Du même coup, les mots de « démocratie » et de « libéralisme » ne sont plus synonymes ; on redécouvre au contraire qu’ils correspondent à des choses complètement différentes. La démocratie place la légitimité dans la souveraineté populaire, alors que le libéralisme place l’exercice du jeu démocratique sous conditions en plaçant les « droits » au-dessus du peuple. Les gens ne font plus confiance aux partis, et il est significatif que le mouvement des gilets jaunes soit apparu en marge des partis comme des syndicats. La crise de la démocratie libérale a d’abord nourri l’abstention, après quoi elle a favorisé la montée des mouvements dits « populistes », montée qui se fait au détriment des anciens partis traditionnels, dits « de gouvernement », qui s’effondrent aujourd’hui comme des châteaux de cartes. Ces partis ayant été les vecteurs essentiels du clivage horizontal gauche-droite, un nouveau clivage apparaît, de nature verticale, qui oppose les classes populaires et les classes moyennes en voie de déclassement au bloc bourgeois des élites transnationales mondialisées (voir les travaux de Christophe Guilluy et Jérôme Sainte-Marie, pour ne citer qu’eux).

    Mais le système capitaliste est lui-même menacé par ses contradictions internes. La recherche de gains de productivité exigée par la concurrence aboutit à ce que l’on produit toujours plus de biens et de services avec toujours moins d’hommes. L’omnipotence de l’argent, qui a d’abord favorisé le système du crédit, a abouti à un endettement généralisé qui atteint désormais des sommets jamais vus. Le capitalisme a perdu ses anciens ancrages nationaux pour devenir purement spéculatif et totalement déterritorialisé. S’ajoutent encore à cela les problèmes écologiques (il n’est plus possible de croire que les réserves naturelles sont inépuisables et gratuites). Nombreux sont les observateurs qui s’attendent aujourd’hui à une nouvelle crise financière mondiale beaucoup plus grave que celle de 2008. Je ne peux ici qu’effleurer le sujet, mais la concordance de ces deux crises majeures, l’une politique, l’autre économique, laisse évidemment prévoir des basculements décisifs dans les années qui viennent.

    Nous estimons dans notre association que le pouvoir se gagne par les idées. Sur quelles grandes figures intellectuelles recommanderiez-vous de s’appuyer afin de mener la bataille culturelle contre le libéralisme ?

    J’aimerais bien que le pouvoir se gagne par les idées ! Le problème est que la façon dont les idées exercent une influence et finissent par s’imposer est tout sauf simple. Les hommes politiques n’aiment pas beaucoup les idées, car ils veulent rassembler alors que les idées divisent. C’est la raison pour laquelle ils ne s’intéressent aux idées que lorsqu’ils peuvent les instrumentaliser à leur profit. Et c’est aussi la raison pour laquelle, après avoir parfois tenté d’avoir la stratégie de leurs idées, ils finissent si souvent par n’avoir plus que les idées de leurs stratégies. Cela dit, je n’en pense pas moins, comme vous, que rien ne remplace le combat des idées. Quant à vous recommander telle ou telle grande figure intellectuelle, je préfère y renoncer : il y en a trop ! Reportez-vous éventuellement aux auteurs dont je présente les œuvres dans mon livre Ce que penser veut dire, paru récemment aux éditions du Rocher. Il y a de toute façon bien des valeurs sûres, que vous connaissez déjà sûrement : Jean-Claude Michéa, Christopher Lasch, Jean Baudrillard, Louis Dumont, Julien Freund, Carl Schmitt, Heidegger et tant d’autres.

    Pour l’instant, aucune alternative n’émerge au-delà de l’échelle locale. La décroissance que vous appelez de vos vœux n’est-elle pas invendable (auprès de populations qui restent globalement attachées à la société de consommation) et utopique au regard des forces économiques en présence ?

    Vous n’avez pas tort : la décroissance est tout à fait « invendable » auprès de beaucoup de gens, et plus encore auprès des hommes politiques qui font tous assaut de prétentions pour « ranimer la croissance » ! Cela peut paraître désespérant, mais la justesse d’une idée ne dépend pas de l’accueil qu’elle est susceptible de recevoir à tel ou tel moment. Si la théorie de la décroissance est juste, si elle est fondée, elle finira par s’imposer au moment où il deviendra impossible de ne pas envisager cette option. Il est vraisemblable qu’on déplorera alors de ne pas l’avoir envisagée plus tôt, ce qui aurait évité des tournants catastrophiques. La théorie de la décroissance dit que le système actuel n’est plus réformable, qu’il va dans le mur. Si le mur est bien là, il n’est pas du tout utopique de dire qu’il existe effectivement !

    Selon Régis Debray, ceux qui ont appuyé le projet de construction européenne depuis la Seconde Guerre mondiale considèrent que « le propre de l’Europe est de ne pas avoir de propre ». Alors que l’Europe s’abandonne au nihilisme et à l’oubli de soi, pourriez-vous revenir sur ce qui fonde le sentiment européen et l’identité de l’Europe ?

    L’opinion de Régis Debray est, je crois, partagée par beaucoup d’autres. Le fait est que tout se passe comme si l’Europe voulait en quelque sorte se délester d’elle-même. Les polémiques suscitées récemment par la nomination, à la Commission européenne, d’un commissaire chargé de la « protection du mode de vie européen » sont révélatrices. Un mode de vie européen, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ! Tout aussi significativement, les polémiques ne se sont apaisées que lorsqu’on a laborieusement expliqué que le « mode de vie européen » consiste en fait à accepter tous les autres modes de vie (il suffisait d’y penser) ! L’Europe ne veut rien avoir en propre qui puisse servir de modèle parce qu’elle se veut porteuse de « valeurs universelles » qui, comme par hasard, sont aussi des valeurs libérales. Etant « universelles », elles sont elles aussi de partout et de nulle part. En se présentant comme « ouverte à l’ouverture », c’est-à-dire ouverte à tout, l’Union européenne fait l’aveu de son impuissance et de sa soumission à l’idéologie dominante. Il n’en est que plus nécessaire, en effet, de réaffirmer un sentiment européen susceptible de s’inscrire dans une continuité historique reliant le passé à l’avenir. L’Europe est une histoire associée à un espace territorial. Son identité trouve son fondement dans la communauté d’appartenance et d’origine de la plupart des pays qui la composent. Mais cette identité ne doit pas être essentialisée : c’est une substance, pas une identité. L’identité n’est pas ce qui ne change jamais, mais ce qui nous permet de changer tout le temps tout en restant nous-mêmes. Nietzsche disait qu’on « ne ramène pas les Grecs » ; on peut en revanche prendre exemple sur eux pour être aussi novateurs qu’ils le furent en leur temps. L’identité en fin de compte, n’est pas tant ce que l’on est que ce que l’on fait de ce que l’on est.

    Pour finir sur une note d’actualité, la marche contre l’islamophobie d’il y a deux semaines a mis en lumière une fois de plus l’ampleur des fractures françaises et la sécession culturelle croissante d’une partie des Français de confession musulmane. Sur quoi pouvons-nous encore nous appuyer pour résister à la montée de l’islamisme, au-delà des incantations creuses sur les « valeurs de la République » ?

    La force de l’islamisme n’est que le reflet de nos faiblesses. Il ne sert à rien de déplorer l’évidente « sécession culturelle croissante d’une partie des français de confession musulmane » si nous sommes nous-mêmes incapables de réanimer un lien social porteur de valeurs partagées. C’est précisément là que l’on retrouve le libéralisme, qui est l’un des principaux responsables de la destruction des anciennes structures organiques. La société des individus est une société fracturée, effritée, atomisée, où les gens vivent à la fois dans une solitude croissante et dans une « guerre de tous contre tous ». C’est une société de manque, une société où le principe de plaisir a pris le pas sur le principe de réalité. Faire face aux dangers qui menacent implique d’en finir avec cette société et de nous reconstruire nous-mêmes.

    Alain de Benoist (Critique de la raison européenne, 26 novembre 2019)

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  • La revue de presse d'un esprit libre... (46)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    François Bousquet livre un bref entretien à Boulevard Voltaire où il fait le bilan d’une année très riche pour La Nouvelle Librairie et où il place aussi cette librairie dans le cadre plus large du combat culturel. « Au coeur du Quartier Latin, nous sommes aussi la librairie de la France périphérique » déclare-t-il crânement, plaçant ainsi cette initiative au cœur d’un projet de reconquête des esprits :

     
     
    Dans une tribune accordée au Figaro VoxFrançois Bousquet rédacteur en chef d’Éléments, décrit l’éruption des gilets jaunes comme la coagulation d’une colère jusqu’alors disséminée. 
    « Baissez les prix et le mépris » tel était le mot d’ordre de ces parias de la République. Formule concise et qui fait mouche dans laquelle 75% des Français se reconnaissaient. La France périphérique se mêlait enfin d’entraver le développement de la France mondialisée et diversitaire.  L’Élysée en a tremblé de stupeur puis de panique. Jusqu’à ce que les gauchistes, qui avaient jusque là méprisé ces « ploucs », en viennent à s’emparer de ce mouvement  pour le saborder de l’intérieur, conformément à la mission que leur a toujours assigné l’histoire  :
     
     
    À propos du conflit qui oppose les États-Unis à l’Iran autour du détroit d’Ormuz Richard Labévière se livre à un tour d’horizon passionnant. La fiabilité de ses informations rend d’autant plus sûres ses analyses et il y a tout lieu d’accorder crédit à l’enchaînement des décisions et contre-décisions ubuesques du Docteur Folamour de la Maison Blanche qu’il nous décrit par le menu : 
     
     
    Le Cercle Henri Lagrange interroge l’historien Philippe Conrad sur les origines et le cheminement de la pensée « nationaliste » depuis la révolution française et pose la question de ses possibles évolutions dans les années à venir avec la métamorphose progressive de ce courant vers des vues plus identitaires et européennes. Un entretien très intéressant :

    https://www.youtube.com/watch?v=btkB9MU7dPU&fbclid=IwAR2_0mau_Y4nR5xEhKQ2HHhJwVEb95Sev1eIzybWk7VVMadqzUOviv1W9LA

     
    Régis Debray présente son livre « Un été avec Paul Valéry » sur France culture. Pour l’essentiel une critique de l’UE, objet non identifié qui parle au nom de l'Europe :
     
     
    L’Université d’Evergreen dans l’État de Washington est le théâtre loufoque de la dérive d’un certain « progressisme » aux États-Unis. Ces bouffonneries de plus en plus répandues illustrent à merveille le paradoxe d’un égalitarisme se retournant contre lui même pour célébrer la dictature de toutes les minorités. C’est Ubu roi qui pointe sa trogne obscurantiste pour faire passer le sens commun pour un résidu de stéréotypes à congédier ou des préjugés à déconstruire jusqu’à « démasquer » de misérables professeurs qui avaient cru pouvoir jouer le jeu afin de se concilier leur public. Vidéo effarante de ce qui  s’installe en Europe même où  l'on voit ses linéaments se profiler chaque jour un peu plus, avec le consentement, souvent par lâcheté, des autorités académiques. La coalition bigarrée qui a pris le pouvoir dans les universités américaines de sciences humaines, armée de concepts frauduleux qui viennent cogner tout ce que les sciences dures nous apprennent est sans doute la figure de ce que l’avenir nous réserve. Ce qui vérifierait le principe selon lequel le mandarinat par son enseignement est bien le garant de la fabrique du consentement diversitaire :
     
     
    Témoignage de Frédéric Pierucci auprès de Thinkerview. Dans son long monologue cet ancien haut cadre d’Alstom passe rapidement sur sa détention de 25 mois dans les prisons américaines en otage du département d’État. Au terme de la procédure les 2/3 d’Alstom sont rachetés par Général Electrique dans l’indifférence des pouvoirs politique et avec la tacite complicité de Macron,  ministre de l'économie. Ainsi les turbines qui équipent notamment notre force de frappe et nos centrales atomiques passent à « l’ennemi ». Une véritable forfaiture … 
    Nombreuses autres révélations sur notre dépendance naïve vis à vis des USA par la biais de l’extraterritorialité du droit américain dans le témoignage de cet authentique patriote français : 
     
     
    Plutôt décoiffante l’interview d’Arnaud Montebourg par Thinkerview ! Il y traite de l’absence de politique industrielle française et de la guerre économique que nous infligent les États-Unis souvent secondés par une cinquième colonne française haut placée :
     
     
    Arnaud Montebourg dans une audition devant le sénat reprend et précise ses arguments. Tant que l’UE sera paralysée par la nécessité du vote unanime de ses 27 participants, elle ne pourra pas lutter efficacement contre l’extraterritorialité des lois américaine puisque ses membres ont des intérêts nationaux divergents. Dans ces conditions dit-il, il ne faut pas attendre comme Godot que l’Union Européenne veuille bien nous défendre, mais recourir dans l’urgence à une stratégie nationale avant que des pans entiers de notre dispositif industriel ne soit racheté ou mis à terre. 
    Dans cette affaire l’Union ne nous défend pas; bien au contraire elle nous désarme. Dans cette même vidéo l’ancien ministre socialiste se prononce également contre la privatisation des aéroports 
    de Paris :
     
     
    Le patrimoine industriel français vendu à la découpe. La grande braderie se poursuit… Tribune de Laurent Izard à lire en connexion avec les références précédentes :
     
     
    Un exemple supplémentaire des tergiversations françaises afin de protéger nos données sensibles qui demeurent à disposition de nos « alliés » américains :
     
     
    Dans un tribune très intéressante de Marianne Caroline Galactéros déclare sans embage que « se rapprocher de la Russie n’a jamais été aussi urgent pour la survie de l’Europe » allant ainsi à l’encontre d’une doxa bien enracinée chez les hommes et femmes politiques de notre continent. La présidente du pôle français de géopolitique GEOPRAGMA nous livre une chronique de politique internationale qui puise au meilleur du renseignement sur les rapports de force. Un point reste à interroger, elle persiste à voir dans l’Union européenne un acteur possiblement souverain, ce que tous ses agissement ont jusqu’à présent démenti  :
     
     
    Dans une interview accordée le 19 août à Hadrien Désuin Caroline Galactéros développe ses vues concernant les relations entre l’Europe, la France et la Russie. Titre de l’entretien : « Isoler la Russie pour complaire à notre grand allié était un calcul stupide ». Selon elle, tant que notre président ne s’affranchira pas des réseaux néoconservateurs qui noyautent son administration comme celle de Donald Trump rien de neuf ne pourra intervenir. Ces réseaux qui véhiculent une conception fossilisée en désignant la Russie comme ennemi principal de l’Europe et négligent de ce fait de véritables forces actives représentent un authentique danger pour l'avenir d’une hypothétique Europe-puissance. Elle plaide enfin pour que nous cessions de nous payer de mots et que nous ayons le courage suffisant pour abandonner notre statut de vassal de l’Amérique. « Oser désobéir, prône-t-elle, et tenir. Ce serait là un grand coup donné dans la fourmilière de nos inconséquences collectives et une véritable révolution stratégique pour l’Europe, son premier pas dans le monde des adultes, sans brassards, sans bouée, sans harnais ! Qu’attendons-nous ? » :
     
     
    Texte de 2016 où Christopher Gérard célèbre avec éclat le sens tragique de ce que fut le paganisme européen avant de devenir à l’époque contemporaine un néo-paganisme folklorisé que n’habite plus aucun souffle spirituel :
     
     
    Emission Répliques de 2019 dans laquelle Alain Finkielkraut, en compagnie de René de Ceccatty (traducteur) et d’Olivier Rey (philosophe et mathématicien), s’interroge sur la véritable identité 
    métapolitique de Pier Paolo Pasolini qui avait, disait-il « un amour infini pour les gens ». Connu en France comme un cinéaste prolifique, Pasolini fut également un poète et un romancier qui toujours 
    ferrailla contre la modernité et la société de consommation dont il disait « la fièvre de consommation est obéissance à un ordre non énoncé ». 
    La parution de Chaos : contre la terreur  (RN éditions 2018), recueil d’articles parus entre 1968 et 1970 est l’occasion de la présente discussion. Comme de nombreux intellectuels de son époque Pasolini faisait vibrer un non définitif au système en place, mais ce non avait quelque chose de singulier dans la mesure où il était obnubilé par le sentiment nostalgique de la perte définitive d’un monde fait de différences culturelles innombrables. Il anticipait l’ethnocide, véritable cataclysme anthropologique, au bout de ce cheminement mortifère. 
    Pasolini n’était nullement progressiste; au contraire pourrait-on dire puisqu’il voulait la révolution pour sauver le passé. C’est sur ce non singulier que se prononcent les participants de l’émission et en 
    particulier un Olivier Rey particulièrement brillant et original dans son approche de l’intellectuel contestataire :
     
     
    Le site de l’emission précédente rappelle très opportunément les coordonnées de l’article paru sur L’inactuelle qui est une interview d’Olivier Rey par Thibault Isabel à propos de sa préface de Chaos : contre la terreur :
     
     
    À l’encontre des esprits irrationnels qui entendent soutenir que le réchauffement actuel des climats n’aurait rien à voir avec une cause anthropique, soit pour délester le néo-libéralisme de ses responsabilités, soit pour invoquer un imaginaire « complot mondialiste », ces études parues récemment dans Nature Geoscience et dans Nature infligent un cruel démenti à ces théories abracadabrantesques  :
     
     
    Conférence de 2017 d’Emmanuel Prados, chercheur à l’INRIA, sur l’effondrement. Après avoir présenté les analyses scientifiques décrivant les plus saillants des mécanisme en cours, le scientifique s’interroge 
    ensuite sur la situation actuelle dans nos sociétés. Tout concorde à vérifier l’hypothèse d’un effondrement global dans les années à venir comme le prévoyait les rapport Meadows. Cela est-il inéluctable ? 
    Pouvons-nous agir efficacement afin de reculer ou d'annihiler cette échéance ? Il semble bien que non… Remarquable intervention :
     
     
    Peut-on avoir à la fois des racines et des ailes ? Autrement dit, est-il possible de concilier le cosmopolitisme et l’enracinement ? Réponse Françoise Bonardel, professeur émérite de philosophie des religions à l’Université Paris I panthéon-Sorbonne :
     
     
    Première partie d’un article de L’Iliade consacré à la permanence de la tradition du champ à l’assiette en Alsace. Bon article malgré certains oublis (le houblon et la tradition brassicole de la région) :
     
     
    Un plaidoyer bienvenu  pour les statistiques ethniques en France proposé par les Identitaires :
     
     
    Le site De Defensa reproduit un article du journaliste irlandais Robert Bridge qui, citant Isaiah Berlin et Johan Gottfries Herder, illustre les conséquences destructrices pour nos société de la conjonction d’une immigration de masse et d’une réduction de la pensée à un politiquement correct devenu hégémonique :
     
     
    La fraude sociale des personnes nées à l'étranger. Un tonneau des Danaïdes évalué à 14 milliards d’euros sur lequel pèse une véritable omerta, article d’André Posokhow paru sur le site de la Fondation Polémia :
     
     
    Renaud Camus ayant été à nouveau mis en cause dans la récente tuerie d’el Paso (États-Unis), il répond vertement à une journaliste de Die Welt sur le syntagme de « Grand remplacement » et ses 
    pseudo-conséquences :
     
     
    Paul-François Paoli qui vient de publier sa biographie intellectuelle Confession d’un enfant du demi-siècle aux éditions du Cerf est interrogé à ce propos par Le Figaro. Titre de sa chronique « La gauche est devenue le camp du conformisme, le conservatisme celui de la transgression » :
     
     
    Pris dans la nasse de la culpabilité collective nombre d’Européens demeurent taraudés par les crimes de l’esclavagisme et de la colonisation. Dans cet article Alexis Brunet  démontre à ces esprits faibles rongés par la moraline qu’il n’est nullement nécessaire d’expier des « fautes »  qu’ils n’ont pas commises. À moins que l’on en tienne pour une conception essentialiste des populations ce qui dans ce cas, voudrait également dire que tous les Arabo-musulmans seraient taxés éternellement d’une traite qui a duré beaucoup plus longtemps  que la traite occidentale et s’est accompagnée du fait de la castration des noirs d’un nombre beaucoup plus élevé de victimes :
     
     
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  • Ces frontières qu’on n’attendait plus…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au retour des frontières.

    Économiste de formation, vice-président de Géopragma, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Ces frontières qu’on n’attendait plus

    Des peuples en quête de liberté, des Nations en quête de sécurité, redécouvrent la vertu de la frontière. Elle sépare de l’extérieur, elle unit à l’intérieur. Elle assure la liberté de mouvement dans le territoire qu’elle contrôle. Sans elle, pas de liberté politique, pas de souveraineté nationale, et pas de démocratie. Nous n’en sommes plus à « L’éloge des Frontières » (1) nous en sommes à l’urgence de définir, renforcer et défendre nos frontières nationales et européennes.

    Le temps de la séparation

    Barrières, murs, fossés, partout s’élèvent, se construisent ou se creusent, partout l’idéologie de l’ouverture, de la mobilité infinie et de l’unité planétaire bat en retraite, et partout vient le temps de la séparation. La frontière est la figure du monde de demain, un monde qui ne ressemble pas à ce qui nous était annoncé. Et tant pis pour qui répète les clichés hérités des années 1990, du temps où la « fin de l’histoire », le modèle de «  l’open society » et la berceuse du multiculturalisme s’enseignaient partout, de l’ENA au festival de Cannes.

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  • Mai 68, la grande désintégration...

    Nous  reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Zemmour cueilli dans le Figaro Vox et consacré à Mai 68 et à ses conséquences politico-sociétales...

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    Mai 68, la grande désintégration

    Maintenant on sait. On sait que Mai 68 n'était qu'une ruse de l'histoire. On sait que le marxisme emphatique des jeunes révolutionnaires n'était qu'une manière détournée de faire le jeu du marché. On a lu Régis Debray, dès 1978, et Luc Ferry, au milieu des années 1980. Avant eux, l'Américain Christopher Lasch, et tous les autres depuis. On sait que la «crise de civilisation» diagnostiquée alors par Georges Pompidou était surtout une mutation du capitalisme, qui passait d'un système fondé sur la production, l'industrie et l'épargne, à une économie basée sur la consommation, les services et la dette.

    On sait que même la «grève générale», rêve séculaire de tous les syndicalistes, a été noyée sous les augmentations de salaires - bientôt dévorées par la dévaluation du franc et l'inflation - et le retour de l'essence dans les stations-service pour les départs du week-end de la Pentecôte.

    On sait que le talent du slogan travaillé dans les ateliers de la Sorbonne s'est reconverti dans les agences de publicité. On sait que la libido des étudiants de Nanterre qui voulaient aller dans le dortoir des filles s'est transmuée en pulsion de consommation. On sait que leur universalisme utopique a fait le lit du marché mondial des capitaux et des marchandises.

    On sait que leur antiracisme généreux a forgé dans l'ouest de l'Europe des sociétés multiculturelles où chacun suit sa coutume, ses racines, sa loi religieuse. On sait que l'austérité virile des militants maoïstes a été subvertie et vaincue par le féminisme hédoniste du MLF et des mouvements «gays».

    On sait que Mai 68 a commencé avant mai 1968. A Vatican II, avec la chute de la pratique du catholicisme. Ou en cette même année 1965, avec la fin du baby-boom démographique. Ou en 1967, avec la légalisation de la pilule. Ou avec les émeutes raciales de Los Angeles ou les manifestations contre la guerre du Vietnam, ou l'émergence du «politically correct», la défense véhémente des minorités.

    On sait que Mai 68 n'a pas été seulement français, mais occidental (Italie, Allemagne, Etats-Unis), et même européen (Prague) et même mondial (Mexique). On sait que Mai 68 a été cependant la voie française pour fermer le ban de l'histoire révolutionnaire du pays en faisant une ultime révolution pour rire. Une dernière révolution mais sans mort ou presque. Une révolution faite au nom du peuple par les fils de la bourgeoisie. Comme 1789 et 1848. Et, comme d'habitude, disait déjà Marx à propos de 1848, l'histoire se répète, la première fois en tragédie, et la seconde en farce.

    Mai 68, ce fut farces et attrapes.

    Le général de Gaulle avait joué le rôle de Richelieu et celui de Louis XIV ; les rebelles de la Sorbonne jouèrent donc aux enragés de 1793. La cible était idéale. De Gaulle, c'était tout à la fois le dernier père avant les papas poussettes, le dernier chef avant les managers, la dernière incarnation de la nation avant la dissolution de la nation, le dernier homme avant les adolescents féminisés.

    La cible était parfaite et peu importe qu'elle ait elle-même préparé le terrain, par de nombreuses mesures «émancipatrices», à ceux qui allaient le renverser. Sa mort, en 1970, était concomitante de la loi qui mettait un terme à la puissance paternelle dans la famille.

    Balzac avait dit que la mort du roi sur la guillotine avait été la mort de tous les pères. L'histoire repassait les plats avec la mort de De Gaulle. Les pères n'étaient plus que des papas, et les papas, que des secondes mères. La famille patriarcale passait sous le règne du matriarcat, dont les hommes s'échappaient, par le corps (explosion du nombre des divorces ou des familles monoparentales) ou par l'esprit. L'égalitarisme révolutionnaire passait partout, entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les parents et les enfants, même entre les différentes sexualités. Il était interdit d'interdire. Tous égaux, tous sujets, tous dotés de droits.

    On n'était plus une famille, avec un père, une mère et des enfants, mais «on faisait famille» avec des individus égaux en droits, aux sexualités diverses. La famille n'est plus le lieu de la transmission, d'un héritage culturel et matériel, mais le lieu de l'épanouissement des individus. C'est là où les nécessités du marché (devenir un consommateur) rejoignent les anciens fantasmes révolutionnaires (détruire la famille bourgeoise). Là où les libéraux s'allient aux libertaires. Là où les mouvements féministes s'allient aux mouvements homosexuels, devenus «gays». Là où les minorités sexuelles s'allient aux minorités ethniques. Avec un ennemi commun: le mâle blanc hétérosexuel occidental.

    Un des slogans de Mai 68 était: tout est politique. Ils ne parlaient pas en l'air. Tout: famille, école, Eglise, parti, syndicat, sexe, nation, toutes les structures hiérarchiques et verticales seraient subverties et renversées. Mises à bas. Toutes les identités seraient remises en cause. Au nom de la liberté, on n'avait que des droits. Au nom de l'égalité, la société n'avait que des devoirs. Au nom du marché, on était un individu roi à qui il était interdit d'interdire. Mais, au nom de l'ancienne vulgate marxiste, nous sommes tous des «damnés de la terre» qui devront faire rendre gorge à notre ancien maître: le père, le prof, le patron, le prêtre, le ministre et, plus largement, l'homme, le blanc, le Français. La majorité est sommée de s'incliner et de se soumettre aux minorités.

    La redécouverte dans les années 1980 de Tocqueville, considéré comme un horrible aristocrate libéral par les révolutionnaires marxistes des années 1960, permettait de retourner l'antique malédiction des démocraties: puisque Tocqueville avait bien vu que le danger était la dictature des majorités sur les minorités, il fallait empêcher par tous les moyens cette tyrannie majoritaire. Au nom des droits de l'homme, on donna donc aux juges le moyen de contenir la moindre contrainte, la moindre «discrimination» de la moindre minorité. La démocratie n'était plus le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais le pouvoir du juge, au nom du droit, pour les minorités. Le résultat ne se fit pas attendre: au nom de la nouvelle religion des droits de l'homme, le principe sacré de «non-discrimination» affirmait la tyrannie du juge et des minorités. On appelait cela avec emphase «l'Etat de droit».

    Les anciens révolutionnaires qui avaient retenu de Marx que le droit en général, et les droits de l'homme en particulier, n'était que l'arme de la bourgeoisie pour affermir son pouvoir et contenir les assauts du prolétariat, retournèrent leur veste avec maestria et devinrent les défenseurs les plus forcenés des droits de l'homme. C'était leur nouvelle religion séculière après le communisme. Après la défense du prolétariat, la défense des minorités. Après la lutte contre le capitalisme, la lutte conte le néocolonialisme. Après le communisme, l'antiracisme. Religion dont ils devinrent les nouveaux prêtres. La religion avait changé, mais les bûchers de l'Inquisition étaient allumés par les mêmes. Les fascistes d'avant étaient seulement devenus les racistes d'aujourd'hui.

    La pensée conservatrice affirme depuis longtemps qu'une nation n'est qu'une famille de familles. Il était inéluctable que la désagrégation de l'une entraînât celle de l'autre. Le constructivisme né dans les cerveaux des théoriciens français - Deleuze, Guattari, Foucault - nous revenait auréolé de son passage dans les campus américains des années 1960. Rien n'était naturel, tout était social. Rien n'était biologique, tout était culturel. C'était la victoire absolue de l'existentialisme de Sartre. On ne naît pas femme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas homme, on le devient. Ou pas. On ne naît pas français, on le devient. Ou plus.

    Tous les instruments de l'assimilation - prénoms, vêtements, langue, école, histoire, culture, cuisine -, qui avaient permis l'intégration de générations d'immigrés venus de toute l'Europe, étaient rejetés au nom du respect des cultures et du prestige de la «diversité». Là encore, la conjonction très française de la liberté et de l'égalité, du libéralisme mais aussi de l'ancienne vulgate marxiste, faisait des ravages. Libres de suivre et d'imposer sa culture d'origine, sa tradition, sa religion, même si elle vient en contradiction avec la culture dominante de la France ; mais égaux, au nom du scrupuleux respect du principe de «non-discrimination».

    Cette double injonction est destructrice de la nation, qui n'est plus qu'un territoire sans passé où cohabitent des communautés diverses, au nom d'un «vivre-ensemble» oxymorique. Mais c'est bien l'objectif. Daniel Cohn-Bendit disait, bien des années après ses «exploits» de Mai 68: «Le peuple français n'existe pas ; et la notion même de peuple n'existe pas.» Le véritable héritage de Mai 68 est sans doute là, dans cette destruction voulue, pensée, imposée, des individus, des familles, des peuples, des nations. Ce nihilisme anarchisant s'épanouit au nom d'un universalisme totalitaire hérité du marxisme, marié avec le libéralisme de marché et qui n'a plus comme objectif de sacrifier la bourgeoisie sur l'autel du prolétariat, mais les peuples européens sur l'autel du métissage généralisé.

    Mai 68 a gagné depuis longtemps. Les rebelles sont devenus le pouvoir. Un pouvoir qui se prétend toujours rebelle. Et qui traite toujours ses opposants de conservateurs. Alors que les conservateurs, ce sont eux. Mais la révolte gronde. Elle est disparate, éclatée, divisée. C'est le succès de la Manif pour tous, en 2013, contre le mariage homosexuel. C'est le réveil d'un catholicisme identitaire qui a compris le danger de l'islam. Mais c'est aussi, dans les banlieues, un patriarcat islamique souvent virulent, et parfois violent, porté par les «grands frères», qui se vit en opposition avec le féminisme de leur société d'accueil.

    C'est même, sans qu'elles le comprennent elles-mêmes, la montée en puissance d'un néopuritanisme féministe qui, au nom des droits des femmes, remet en cause l'hédonisme libertin des anciens soixante-huitards, qu'ils soient producteurs de cinéma, photographes ou politiques. C'est enfin, à l'est de l'Europe, la coalition de peuples qui entendent bien sauvegarder tout à la fois leur cohérence nationale et leurs racines chrétiennes.

    Toutes ces révoltes ne se valent pas. Elles sont même souvent antinomiques, et même adversaires. Elles sont toutes le produit de la désagrégation des sociétés occidentales depuis Mai 68, de toutes les identités, individuelles, familiales, religieuses, et nationales.

    Sur les ruines de Mai 68, il faudra un jour reconstruire.

    Eric Zemmour (Figaro Vox, 2 mars 2018)

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  • Bilan de faillite...

    Les éditions Gallimard viennent de publier le nouveau livre de Régis Debray intitulé Bilan de faillite, dans laquelle il poursuit, dans la veine acide et un peu désabusée de son précédent essai, l'observation du monde tel qu'il se défait. Penseur républicain, Régis Debray est l'auteur de nombreux ouvrages, dont, dernièrement  Civilisation - Comment nous sommes devenus américains (Gallimard, 2017) ou Le nouveau pouvoir (Cerf, 2017).

     

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    " Un dépôt de bilan peut se consigner dans la bonne humeur, avec clins d’œil et sourires. C'est cette variante teintée d'humour, rarement pratiquée au tribunal de commerce, qu'a choisie Régis Debray, dans cette lettre d'un père à son fils bachelier, en quête de conseils sur la filière à suivre. Littérature, sociologie, politique, sciences dures ? En empruntant le langage entrepreneurial, celui de notre temps, l'auteur lui expose les bénéfices qu'un jeune homme peut dorénavant attendre de ces divers investissements. En lui recommandant instamment d'éviter la politique. Bien au-delà de simples conseils d'orientation professionnelle, ce livre-testament voudrait faire le point sur le métier de vivre dans le monde d'aujourd'hui, sans rien sacrifier aux convenances. Beaucoup d'adultes et quelques délurés sans âge particulier pourront sans doute y trouver leur compte. "

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  • Entre séduction et manipulations, le soft power américain...

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    La revue Conflits, dirigée par Pascal Gauchon, vient de sortir en kiosque son septième numéro hors-série consacré au soft power américain. A lire !

    Au sommaire

    Éditorial : Méfiez-vous des rêves, par Pascal Gauchon

    Entretien avec Régis Debray : comment nous sommes devenus “gallo-ricains”

    Le pouvoir feutré par Gérard Chaliand

    Le soft power, un concept taillé pour les États-unis par Frédéric Munier

    La puissance du rêve et du marketing

    Pourquoi sont-ils si bons par Pascal Gauchon

    Le rêve américain : la quête du bonheur par Lauric Henneton

    Art. Ce que le monde doit aux États-unis par Jean Baptiste Noé

    Moderne et intemporel : la force du design américain par Jean Baptiste Noé

    Ces objets ont-ils un âme par Julien Damon et Jean Baptiste Noé

    Un soft power en séries par Didier Giorgini

    Le cinéma : le dernier pré carré de l’hyperpuissance par Didier Giorgini

    Séduction et manipulation par François-Bernard Huyghe

    Internet, une colonie sous administration américaine par Olivier de Maison Rouge

    États-unis, ils ont confiance en dieu par Jean Baptiste Noé

    Trouver des relais, par John Mackenzie

    Des élites conformes par François-Bernard Huyghe

    Quand le soft power rafle la mise

    Les très riches effets du soft power par Pascal Gauchon

    Le soft power économique américain par Christian Harbulot

    Fixer les règles du monde…par Frédéric Munier

    Brain drain et attractivité par Julien Damon

    De l’impérialisme au puritanisme par Xavier Raufer

    Les révolution de couleur par François-Bernard Huyghe

    Les Serbes peuvent-ils aimer l’OTAN par Andrej Fajgelj

    Georges Soros. On ne prête qu’aux riches par Mériadec Raffray

    Quand Washington voulait “détruire” De Gaulle par Éric Branca

    Jusqu’où la France est-elle devenue américaine ? par Christophe Réveillard

    Pouvoir doux ou pouvoir faible

    Les nouvelles fragilités du soft power américain par Olivier Zajec

    Le soft power en dehors de sa patrie par Frédéric Munier

    L’antiaméricanisme, revers du soft power ? par Florian Louis

    La fin de l’hypocrisie par Pascal Gauchon

    Le soft power parle américain par François-Bernard Huyghe

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